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18 octobre 2019

[Technique] - FROG : un petit démonstrateur GNC de lanceur réutilisable. Mais qu’est-ce le GNC ?

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(crédit photo : Julien Franc, Planète Sciences)

 

 

 

 

 

 

 

Le CNES a initié, en collaboration avec ArianeWorks, un démonstrateur à petite échelle de concepts VTVL (Vertical Take-off, Vertical Landing, Décollage vertical, atterrissage vertical) appelé Frog. En effet, l’un des axes actuels de la recherche dans le domaine spatial concerne les fusées réutilisables, et notamment la capacité de ces lanceurs à faire revenir son premier étage et à le faire atterrir verticalement pour une utilisation ultérieure (au lieu qu’il soit détruit lors de sa rentrée atmosphérique).

Frog (réalisé en partenariat avec Planète Sciences, Polyvionics, l’IUT de Cachan/Innov’lav, Sonatronic et Drones Center) a notamment pour objectif de tester des algorithmes GNC, destinés à des démonstrateurs plus importants comme Callisto et/ou Themis, deux grands projets en cours de développement : le premier réunissant le CNES, la DLR et la JAXA, le deuxième réunissant le CNES et ArianeGroup, entre autres sous la bannière ArianeWorks.

Mais qu’est-ce que le GNC ?

GNC vient de l’acronyme anglais Guidance-Navigation-Control, que l’on pourrait traduire par Guidage-Navigation-Pilotage : ce sont les algorithmes issus du monde de l’automatique permettant à un engin autonome de suivre sa mission, et donc à un lanceur de suivre une trajectoire qui lui permettra de mettre en orbite une charge utile (satellite, sonde, vaisseau habité, etc.).

Dans notre cas précis, les recherches réalisées ne requièrent plus seulement à un premier étage de fusée de déposer le reste du lanceur à une position donnée et à une vitesse donnée, mais également de réaliser un retour sur Terre, et un atterrissage vertical ; comme cette reconstitution de la trajectoire d’un premier étage de lanceur SpaceX, lors de la mission SAOCOM 1A :

SAOCOM 1A mission replay

 

Trajectoire de référence

Tout d’abord, il faut définir ce que l’on appelle une trajectoire de référence : C’est une trajectoire que devra suivre le lanceur, dans un premier temps pour la satellisation de la charge utile, mais également pour son retour et son atterrissage.

Cette trajectoire de référence est réalisée au sol, par un calculateur, avant la mission. Pour ce faire, est utilisé ce qu’on appelle un optimisateur de trajectoire : il consiste à prendre en compte la dynamique du lanceur (à travers son modèle mathématique, qu’on pourrait considérer comme un mini-simulateur), et trouver une trajectoire qui répond à plusieurs contraintes :

  - des contraintes de départ et d’arrivée de mission : position/vitesse initiales, position/vitesse finales, etc. ;

  - des contraintes de saturation de commande : poussée maximale du moteur, braquage maximal de la tuyère, etc. ; mais également d’état : altitude, vitesse, orientation ;

  - des contraintes le long du parcours : en général, il s’agit d’une consommation minimale de carburant (ou d’ergols).

Voici un exemple de trajectoire de référence pour un atterrissage de PiFrog (modèle réduit de Frog), lâché en chute libre à 10 mètres d’altitude :

 Trajectory optimization - Soft landing PiFrog

 

Voici un autre exemple de trajectoire de référence pour un atterrissage de Frog-T (modèle à turboréacteur de Frog, Frog-H étant la version moteur fusée), décollant et atterrissant à 100 mètres du point de départ :

 Trajectory optimization - Frog-T

 

Une fois la trajectoire déterminée, une étape importante de la mission est franchie.

 

Navigation

Pour pouvoir suivre une trajectoire de référence, le lanceur doit connaître son état dynamique en permanence : quelle est sa Position ? quelle est sa Vitesse ? quelle est son orientation (ou Attitude) ? Dans le jargon GNC, ce trio est appelé PVA. D’autres informations peuvent découler de ces données, comme l’incidence (angle entre orientation et vitesse).

La navigation consiste donc à utiliser des capteurs embarqués dans le lanceur (gyroscopes mesurant la vitesse de rotation de la plate-forme, accéléromètres mesurant ses accélérations) pour calculer les grandeurs PVA (grâce à un algorithme de navigation inertielle) essentielles à la conduite de mission.

Dans un certain nombre de cas, notamment pour un retour et un atterrissage, l’utilisation de la localisation par satellite comme Galileo ou GPS (aidée par des balises de précision) permet d’obtenir une position et une vitesse brutes absolues, et ainsi affiner l’estimation du trio PVA, via ce qu’on appelle un observateur d’état (comme le filtre de Kalman par exemple).

 

Guidage/Pilotage

La position et la vitesse théoriques (de la trajectoire de référence) que doit avoir la dynamique du lanceur sont comparées avec la position et la vitesse estimées par la navigation ; et cette erreur fait l’objet d’un traitement qui détermine quelle orientation et quelle poussée la plate-forme doit suivre pour se rapprocher au mieux de la trajectoire de référence : c’est le guidage.

Le pilotage intègre cette orientation à suivre, et calcule le braquage de la tuyère pour atteindre l’attitude voulue : c’est le pilotage.

 

Performance et robustesse

Il faut garder à l’esprit que la conception d’un GNC doit répondre à un cahier des charges strict en termes de performance et de robustesse. En effet, le lanceur doit suivre la trajectoire de référence avec une très bonne précision pour que la mission soit satisfaisante.

De ce fait, la navigation doit estimer le trio PVA de la meilleure manière possible, car si le lanceur dispose d’une estimation de position trop éloignée de la réalité, ses lois de commande pourront faire un travail exceptionnel et parfaitement faire confondre estimation de position et trajectoire de référence, le lanceur ne suivra pas sa mission comme prévue à cause de l’erreur de navigation.

De la même manière, même si l’on dispose d’une navigation de bonne facture, la précision de l’algorithme de guidage dépend de l’algorithme de pilotage, puisque c’est ce dernier qui est chargé de suivre la consigne d’orientation que le guidage a calculé pour suivre la trajectoire de référence. Ainsi, moins le pilotage est performant, moins le guidage est performant, et donc plus, l’erreur de suivi de la mission peut être importante : le pilotage doit donc suivre l’attitude qui lui est demandée, avec une précision suffisante, mais également un temps de réponse adapté.

Un autre aspect à prendre en compte est la robustesse du GNC, ce dernier étant confronté à des éléments perturbateurs qui ne doivent pas déstabiliser la mission du lanceur : turbulences, vibration de la plate-forme, bruits de mesures et défauts d’alignement des capteurs, précision d’exécution de la poussée et du braquage de la tuyère, erreurs d’estimation du modèle mathématique de la plate-forme (masse, inertie, centre de gravité, éléments dynamiques, etc.), etc. Il est donc extrêmement important de réaliser un design du GNC robuste à tous ces éléments.

 

Et Frog dans tout ça ?

 

Frog-T first flights

Bien entendu, ces principes explicités ci-dessus sont très connus et très utilisés dans le monde des lanceurs classiques, à commencer par la fusée Ariane 5.

Cependant, même si dans les grands principes, les approches macroscopiques sont similaires, le retour et l’atterrissage est encore quelque chose de très nouveau dans le monde des lanceurs spatiaux : en effet, un premier étage de lanceur en chute libre aérodynamiquement contrôlé, en stationnaire, ou en atterrissage sur zone précise (avec processus d’extinction moteur en vol), etc. n’est pas encore commun, et c’est dans ce cadre-là que le démonstrateur Frog joue un rôle crucial.

Il existe un nombre très important de différents algorithmes de guidage ou de pilotage, et même si la simulation informatique permet de sélectionner ceux qui donneront les meilleurs résultats dans ces tâches particulièrement spécifiques, l’expérience réelle est irremplaçable !

Le démonstrateur Frog-T (à turboréacteur) a une taille suffisamment petite (2.5m pour 22 kg), un moteur suffisamment puissant de 400 N, et une autonomie suffisamment grande de 150 secondes (par ailleurs extensible), pour tester en long en large et avec une grande fréquence de nombreuses stratégies GNC, et ainsi déterminer les plus prometteuses, dans la réalité.

C’est déjà ce qu’il commence à faire, puisque depuis plusieurs mois, de nombreux essais de décollage autonome, de suivi de mission ou d’atterrissage autonome sont réalisés avec succès sous portique (et prochainement en vol libre). Ainsi, l’exploitation des données récoltées pendant les vols a permis de peaufiner le modèle mathématique du démonstrateur, et donc d’améliorer son GNC.

Les algorithmes qu’il contient ont fait leur preuve, et Frog a maintenant de beaux jours qui lui permettront de tester de nouveaux algorithmes plus performants et ainsi tracer la voie à ses futurs successeurs : Callisto, Themis et Ariane Next !

 

FROG-T (démonstrateur CNES et ArianeWorks de lanceur réutilisable) 

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